Voilà pourquoi...

Publié le 3 Octobre 2007

François Bayrou président du Modem
«Quelque chose d’essentiel est en jeu»
 
Par principe, je ne signe jamais de pétition. La seule exception avant celle-ci fut celle sur les prisons. Je donne ma signature contre les tests ADN car quelque chose d’essentiel est en jeu. Premièrement, il s’agit de ramener à la biologie et à la génétique la relation humaine la plus précieuse qu’est la relation familiale. Or, il y a beaucoup d’enfants qui s’épanouissent dans le cercle de famille sans être pour autant les descendants biologiques de leurs parents. Par humanisme, notre vision de l’homme est que le lien familial ne peut se réduire au seul lien génétique. Deuxièmement, il s’agit de l’installation de mécanismes de recours à la génétique dans la régulation de problèmes de société. Troisièmement, on considère que l’immigré doit relever pour sa vie de famille de mécanique biologique que pour l’instant on ne songe pas à imposer aux citoyens français.
 
Charles Berling acteur
«On ne ferait pas ça à une famille française»
 
J’ai juste un truc à dire. On ne ferait pas ça à une famille française. Si c’est la loi du sang qui prime, c’est tout simplement terrifiant. Qu’est-ce que c’est une famille aujourd’hui? On le sait bien: des compositions, des recompositions. Si le président Sarkozy tient tant à ces tests ADN, il n’a qu’à les appliquer à sa propre famille.
Marie Darrieussecq écrivaine
«Un flicage généralisé»
 
Ce qui m’a choqué, c’est cette idée dingue que la famille serait biologique. Il me semblait qu’on avait évolué là-dessus, que la famille, c’était aussi l’adoption, sans parler de mes convictions sur le droit des homosexuels à adopter. Pour moi, la famille ce n’est pas la nature. Je ne vois pas pourquoi la France contreviendrait à cette idée dès lors qu’il s’agit d’immigration. Cet amendement est un symptôme d’époque, celui d’une atmosphère de flicage généralisé qui va de pair avec un dévoiement de la science. Et fait toujours porter la suspicion sur l’autre, l’étranger. C’est terrible et grotesque d’avoir à signer une pétition pour rappeler ces évidences.
 
Laurent Fabius ex-Premier ministre
«Halte à la surenchère»
 
Quel que soit l’angle sous lequel on l’examine, cette mesure, prétendument faite pour «aider» l’immigration régulière, doit être refusée. Jusqu’ici, le législateur n’a-t-il pas en effet limité avec raison l’usage des tests génétiques à la médecine, à la science et à des procédures judiciaires ? Comment admettre que le droit de la famille et celui de l’enfant soit défini en termes strictement biologiques ? N’y a-t-il pas abus de confiance à citer les «exemples européens» alors qu’ils ne pratiquent en général pas ainsi ? Ne confond-on pas, en ajoutant barrage sur barrage, être ferme et être fermé ? Et même, ne veut-on pas, avec la symbolique des tests, assimiler en filigrane immigré et délinquant potentiel ? Halte à la surenchère sur l’immigration ! Quatre lois en quatre ans, des préfets pressés de «faire du chiffre» en matière de reconduites à la frontière, la chasse aux sans papiers jusque dans les écoles pour leurs enfants, cela fait cher le tribut électoral versé à la droite extrême. L’immigration est une question complexe à traiter sérieusement, pas un filon à exploiter.
 
René Frydman gynécologue-obstétricien
«La génétique ne fonde pas un lien familial»
 
Ce projet est très offensant pour les étrangers. La loi française de bioéthique refuse la biologisation de la filiation et réserve le recours au tests ADN de filiation aux conflits familiaux graves, portés devant les tribunaux. Cette ligne est juste, la génétique ne fonde pas un lien familial. Il y a une quinzaine d’années, l’Inserm avait étudié l’ADN et la filiation de classes entières d’enfants, dans des écoles et avait découvert qu’une proportion non négligeable des troisièmes rejetons d’une famille n’étaient pas l’enfant de leur père… Ainsi, nous appliquerions aux autres une règle que nous refusons. Ainsi, nous exigerions que des informations biologiques servent de passeport à des étrangers. Cela rappelle de très mauvais souvenirs. Il est vrai qu’une minorité de pays européens se réservent la possibilité de demander des tests ADN pour le regroupement familial. Mais dans ces pays, il n’y a pas de discordances de droit : les tests ADN sont libres d’accès pour tous. Il faut aller au-delà, obtenir une harmonisation au niveau européen de l’usage des tests ADN pour l’immigration, sur la base d’une réflexion éthique.
Dominique de Villepin ex-Premier ministre
«Une mesure ni utile ni efficace»
 
Je demande le retrait pur et simple de cette mesure, pour une raison de principe républicain qui dépasse de loin les frontières politiques partisanes. Quelle idée nous faisons-nous du droit de la famille ? Quelle idée de la nation ? Doit-il y avoir une loi pour les étrangers et une autre pour les nationaux ? Cette mesure est profondément attentatoire à nos principes républicains, contraire à la mission universaliste de notre pays. Et elle n’est ni utile ni efficace. Je note par ailleurs que cet amendement divise profondément notre majorité, je pense à Charles Pasqua, à Jean-Pierre Raffarin. C’est aussi le cas au sein du gouvernement, avec les oppositions, notamment, de Bernard Kouchner et de Fadela Amara. Or, sur la question de l’immigration, il faut un très large consensus. Il faut bien sûr lutter contre l’immigration illégale mais avec nos principes, et pour construire une vraie politique d’immigration à l’échelle européenne. Il ne faut pas trahir nos idéaux ni oublier nos objectifs. Il existe une autre vérité, plus stratégique : il est important pour le gouvernement et pour le président de la République de se concentrer sur l’essentiel, et l’essentiel ce sont les réformes économiques et sociales. Tout ce qui nous éloigne de cet objectif n’est pas bon.

Rédigé par C.W.

Publié dans #Débat et des chaussettes

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